Autisme : et si le microbiote intestinal pouvait être une nouvelle piste thérapeutique ?

Autisme : et si le microbiote intestinal pouvait être une nouvelle piste thérapeutique ?

september 11, 2020

Autisme : et si le microbiote intestinal pouvait être une nouvelle piste thérapeutique ?

20 juillet 2020

 

Le microbiote intestinal en quelques mots

Depuis notre naissance, nous vivons en symbiose avec les micro-organismes qui composent notre microbiote. Ce sont principalement des bactéries, mais aussi des levures, des phages, des virus et une grande diversité de microbes. Le microbiote intestinal va évoluer tout au long de l’enfance pour devenir stable à l’âge adulte.

Cette relation homme-microbiote est essentielle pour nous maintenir en bonne santé aussi bien physique que mentale. Notre microbiote intestinal entretient en effet une relation étroite avec notre système immunitaire. Ces dernières années, de nombreuses études sont réalisées afin de mieux comprendre le rôle du microbiote intestinal dans la santé humaine. Il a été montré qu’une diminution de la diversité bactérienne du microbiote intestinal, marqueur de dysbiose, était associée à des problèmes de santé à court et long terme, telles que les maladies immunitaires, les maladies chroniques de l’intestin, les allergies, les diabètes (type 1 et 2), l’obésité, les troubles neurodéveloppementaux, le cancer colo-rectal ou la cirrhose (Valdes et al., 2018).

Sans une bonne diversité bactérienne, l’équilibre homme-microbiote risque de perdre son harmonie et ses fonctions protectrices. Ce déséquilibre est alors associé à une diminution de la protection de la barrière intestinale vis-à-vis de bactéries pathogènes et peut favoriser un état inflammatoire qui augmente le risque de maladies chroniques.

 

Nos intestins interagissent avec notre cerveau 

Avez-vous déjà ressenti une envie de grignoter lorsque vous n’avez pas le moral ?

Les intestins parlent-ils au cerveau ou le cerveau aux intestins ?

Cette dernière décennie, la recherche a montré que le cerveau communiquait avec nos intestins: on parle alors de l’axe intestin-cerveau. Ce phénomène extrêmement complexe est encore loin d’être élucidé complètement. Néanmoins un réseau de communication multidirectionnel entre microbiote intestinal, cellules immunitaires, système nerveux autonome (SNA) et cerveau a pu être mis en évidence (Rea et al., 2020). Les perturbations à long terme de ces liens peuvent contribuer à la progression d'un certain nombre de troubles comme le fonctionnement neuronal, la fonction immunitaire et la réponse inflammatoire. Les études démontrent aujourd’hui la possibilité d’observer une altération du microbiote intestinal dans les troubles neurodéveloppementaux quand on compare des patients et des individus en bonne santé. Cette altération du microbiote intestinal est très souvent associée à des désordres gastro-intestinaux et une augmentation de l’inflammation intestinale. En effet, l’altération de la perméabilité de la barrière intestinale et l’inflammation intestinale sembleraient impacter la perméabilité au niveau des vaisseaux sanguins dans le cerveau et potentiellement libérer dans le cerveau des procédés inflammatoires, induire une neuro-inflammation qui à son tour, altérerait le fonctionnement du système nerveux central.

 

L’autisme : un problème de santé publique ?

Les troubles du spectre autistique (TSA) se caractérisent par un large éventail de problèmes comportementaux, linguistiques et sociaux. La capacité de communiquer et d’interagir avec le monde qui nous entoure devient plus complexe. Il existe une grande hétérogénéité des TSA avec des niveaux de sévérité variables. Ces dernières années, le TSA a une incidence croissante qui devient préoccupante, touchant 1 enfant sur 59 dans le monde (soit environ 40 fois plus qu'en 1960) et une majorité de garçons (quatre fois plus de garçons atteints que de filles). Par ailleurs, le risque de développer un TSA est augmenté d’un facteur 10 lorsque d’autres membres de la fratrie en sont atteints. À ce jour, le diagnostic repose entièrement sur des évaluations comportementales. Il n’y a pas de biomarqueur identifié du TSA et aucune mesure préventive n’existe pour réduire ou éliminer ce risque.

Au-delà des symptômes cœurs de l’autisme (déficits sociaux, perturbation du langage et comportements répétitifs), différents symptômes peuvent être associées concernant aussi bien des troubles neurologiques (trouble de l’humeur, de l’attention, du sommeil, anxiété, hyperactivité, épilepsie) que des troubles systémiques (dysfonctions immunitaires ou troubles gastro-intestinaux). Les premiers symptômes apparaissent avant l’âge de 3 ans. La très forte augmentation de l’incidence des TSA les cinquante dernières années suggère un rôle de facteurs environnementaux dans leur apparition.

 

Microbiote intestinal : acteur dans l’autisme ?

Les causes réelles conduisant au développement de TSA ne sont pas encore clairement définies mais le microbiote intestinal semble jouer un rôle majeur (Cowan et al., 2020 ; Saurman et al., 2020 ; Lasheras et al., 2020). Une altération dans la composition du microbiote intestinal a en effet été mise en évidence chez des enfants autistes. Bien qu’une altération du microbiote intestinal chez des personnes autistes ait pu être démontrée dans plusieurs études, aucun profil distinct de la composition du microbiote n’a par contre été identifié. Cela peut être dû notamment à l’hétérogénéité des méthodes d’analyses mais aussi à d’autres facteurs influant sur le microbiote tels que le type d’alimentation, l’âge ou l’origine géographique des personnes étudiées. Une autre piste qui laisse suggérer que le microbiote intestinal pourrait intervenir est la présence de désordres gastro-intestinaux souvent observée chez les personnes atteintes de TSA, avec notamment une difficulté à digérer les glucides.

Existe-t-il une relation entre l'amélioration de la santé intestinale et la diminution des symptômes de l'autisme ? Est-ce que la modulation du microbiote intestinal pourrait influer sur les symptômes de l’autisme ?

Des études d’intervention avec des probiotiques semblent montrer une atténuation de la progression de l’autisme et une réduction des déficits comportementaux et cognitifs (Chidambaram et al., 2020). L'administration de probiotiques (principalement un mélange de Bifidobactéries, de Streptocoques et de Lactobacilles) semble agir sur les symptômes neurocomportementaux et les dysfonctionnements intestinaux, mais les essais cliniques sont encore limités en nombre et taille d’effectif à ce jour pour conclure (Fattorusso et al., 2019).

D’autres travaux ont essayé l’approche du transfert de microbiote intestinal de l’homme à l’homme, d’individus en bonne santé vers des patients atteints de TSA. Les résultats ont ouvert la possibilité d’éliminer les symptômes intestinaux quand ils sont présents et de corriger la pathologie elle-même. Un travail américain a tout récemment montré que sur une petite cohorte d’une vingtaine d’individus, on passe de 80% de patients avec un autisme sévère, à moins de 20% de patients deux ans après le transfert de microbiote.

 

Microbiote intestinal : nouvelle piste thérapeutique pour l’autisme ?

Est-il possible de prévenir l’autisme chez les enfants à risque de le développer ?

INRAE (via ses unités Micalis et MetaGenoPolis) participe depuis 2019 au projet européen GEMMA (Genome, Environment, Microbiome & Metabolome in Autism) : un projet de recherche novateur qui vise à identifier de nouvelles voies de traitement personnalisé et de prévention des TSA par une approche intégrée de la biologie des systèmes multi-omiques.

Le projet GEMMA, en assurant le suivi d’enfants à risque de développer des TSA au cours de leurs 3 premières années, a pour objectifs de comprendre les facteurs de risque multifactoriels à l’origine de l’apparition des TSA et identifier des marqueurs précoces de façon à pouvoir mettre en place des actions correctives pour empêcher l’établissement des troubles autistiques dans ces années clés de maturation du cerveau.

L’ambition est donc de recruter 600 nourrissons à risque d'autisme et d’analyser simultanément un grand nombre de variables biologiques (microbiome, métabolome, épigénome, fonction immunitaire) et données environnementales robustes sur une période de 36 mois tout au long des 5 années du projet. Les selles et la salive d’enfants autistes seront analysées afin de mieux connaître les bactéries présentes dans leur microbiote intestinal. Un bras interventionnel sera mis en place pour manipuler le microbiome intestinal afin d'atténuer l'inflammation tant au niveau gastro-intestinal que dans le cerveau des enfants susceptibles de développer un TSA au cours de l'étude.

 

Liens:

https://www.inrae.fr/actualites/gemma-projet-recherche-prevention-lautisme-enfants-risque

https://www.gemma-project.eu/

 

Rédigé par Anne-Sophie ALVAREZ

Responsable communication microbiote

MetaGenoPolis by INRAE

http://mgps.eu/

 

Webinar microbiote intestinal et troubles neurodéveloppementaux : https://www.lecampus.online/conferences/alexandre-cavezza

 

References

Derrien M, Alvarez AS, de Vos WM. 2019. The Gut Microbiota in the First Decade of Life. Trends Microbiol (12):997-1010. doi:https://doi.org/10.1016/j.tim.2019.08.001

Valdes Ana M, Walter Jens, Segal Eran, Spector Tim D. Role of the gut microbiota in nutrition and health BMJ 2018; 361 :k2179  doi: https://doi.org/10.1136/bmj.k2179

 

Rea K, Dinan TG, Cryan JF. Gut Microbiota: A Perspective for Psychiatrists. Neuropsychobiology. 2020;79(1):50-62. doi:10.1159/000504495

Cowan CSM, Dinan TG, Cryan JF. Annual Research Review: Critical windows - the microbiota-gut-brain axis in neurocognitive development. J Child Psychol Psychiatry. 2020;61(3):353-371. doi:10.1111/jcpp.13156

Chidambaram SB, Tuladhar S, Bhat A, et al. Autism and Gut-Brain Axis: Role of Probiotics. Adv Neurobiol. 2020;24:587-600. doi:10.1007/978-3-030-30402-7_21

Digestive Diseases and Sciences

https://doi.org/10.1007/s10620-020-06133-5

REVIEW

Autism Spectrum Disorder as a Brain‑Gut‑Microbiome Axis Disorder

Virginia Saurman1 · Kara G. Margolis1 · Ruth Ann Luna2

Lasheras I, Seral P, Latorre E, Barroso E, Gracia-García P, Santabárbara J. Microbiota and gut-brain axis dysfunction in autism spectrum disorder: Evidence for functional gastrointestinal disorders. Asian J Psychiatr. 2020;47:101874. doi:10.1016/j.ajp.2019.101874

Fattorusso A, Di Genova L, Dell'Isola GB, Mencaroni E, Esposito S. Autism Spectrum Disorders and the Gut Microbiota. Nutrients. 2019;11(3):521. Published 2019 Feb 28. doi:10.3390/nu11030521

 

Accept our Privacy policy*

* By submitting this contact form, MetaGenoPolis collects and processes your personal data in order to manage the response to your job applications and to answer any questions regarding our activity.
You have the right to access, rectification, object, erasure, restriction of processing, data portability and to provide instructions for the use of your data after your death.
To exercise your rights, you can contact our Data Protection Officer at cil-dpo@inrae.fr or by post at INRAE - 24, chemin de Borde Rouge –Auzeville – CS52627 – 31326 Castanet Tolosan cedex – France. For more information regarding the processing of your personal data, you can consult our privacy policy.