En médecine, « une once de prévention » est toujours considérée comme la meilleure approche pour la santé. Cependant les médecins sont limités dans leur capacité à prédire quelles maladies un patient donné pourrait développer à l’avenir. Des facteurs de risque liés au mode de vie et des facteurs de risque génétiques existent pour de nombreuses maladies. Avec les récents progrès rapides de la recherche sur le microbiome de l’intestin humain, de nombreux scientifiques se sont demandé si l’échantillon fécal d’une personne pouvait contenir des informations prédictives précieuses sur sa susceptibilité individuelle à la maladie.
Selon Joël Doré, directeur de recherche à l’INRAE et directeur scientifique de MetaGenoPolis, les biobanques d’échantillons de selles humaines sont importantes pour aider à avancer vers cet avenir. « Il est possible d’étudier de très grandes cohortes d’individus en bonne santé et de les suivre dans le temps : suffisamment longtemps pour que nous puissions observer l’apparition de nouvelles maladies », dit-il. « Ensuite, vous pouvez revenir à ces échantillons de nouveaux patients et les comparer avec, généralement, trois fois plus de non-patients, ce qui vous permet de rechercher des prédicteurs de la maladie ».
Ces « études longitudinales prospectives » nécessiteraient la mise en banque des échantillons pendant au moins trois à cinq ans. Après cette période, l’analyse métagénomique des échantillons des personnes ayant développé une maladie par rapport à celles qui sont restées en bonne santé pourrait potentiellement identifier les fonctions microbiennes présentes ou absentes dans les états précédant la maladie.
MetaGenoPolis consacre une salle de ses installations de pointe à Jouy-en-Josas, en France, à sa biobanque : un congélateur d’une grande capacité de stockage (actuellement 600 000 échantillons) qui maintient les échantillons à -80 degrés Celsius, ce qui leur permet de conserver leurs qualités même sur de longues périodes. Ils peuvent ainsi être récupérés pour des analyses ultérieures. Les scientifiques de MetaGenoPolis sont à la pointe des techniques d’analyse métagénomique, en tant que premier groupe à tenter de séquencer les microbes de l’intestin humain grâce à la coordination du projet pionnier MetaHIT.
L’installation est à la disposition des partenaires industriels, offrant des options de stockage qui permettent une certaine souplesse dans l’analyse éventuelle. Selon M. Doré, l’idéal serait qu’un groupe de partenaires adopte une approche « préconcurrentielle », en trouvant des moyens complémentaires d’innover ensemble et de faire progresser les connaissances sur la façon dont le microbiome humain fournit des informations pour la prévision des maladies.
« Nous collectons ces échantillons pour nos partenaires dans le cadre de leurs études de cohorte en cours, de sorte que dans notre biobanque, nous pourrions déjà disposer d’informations précieuses sur l’émergence des maladies qui seront découvertes ultérieurement », explique M. Doré.
M. Doré note une autre option pour l’utilisation de la biobanque : le stockage d’échantillons provenant d’une étude clinique en cours, au cas où le financement des analyses serait disponible à une date ultérieure. « Il y a de nombreux cas où des groupes viennent nous demander de l’aide pour la collecte et la mise en biobanque, considérant que plus tard ils seront en meilleure position pour demander un financement s’ils disposent déjà de la biobanque d’échantillons ».
Et si un partenaire n’a pas accès à une cohorte ? Pas de problème. Le groupe de recherche MetaGenoPolis peut également aider à mettre en relation des partenaires industriels avec des cohortes potentielles dans lesquelles il est possible de chercher des informations. « Nous sommes dans une situation où, en France, nous avons de très grandes cohortes, des dizaines de milliers de personnes, qui sont très bien suivies en termes de santé en général, ou de nutrition, par exemple. Nous avons donc un bon contexte ».
L’équipe de MetaGenoPolis a également contribué à faire progresser les procédures opérationnelles standard (SOP) mondialement acceptées pour l’analyse métagénomique – ainsi, l’analyse ultérieure des échantillons conservés dans leur biobanque de pointe générera des données interprétables et comparables par rapport à d’autres cohortes.